Directions logistiques : face au covid-19, communiquez chaque jour avec fournisseurs et clients

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Employés malades, défaillance des fournisseurs, ports saturés, chute des commandes, process désorganisés… Les entreprises subissent de plein fouet l’épidémie du Coronavirus Covid-19. Les directions de la logistique et de la supplychain sont en première ligne et elles doivent s’adapter, anticiper et rassurer en communicant en toute transparence. Vincent Balouet, fondateur de MaîtriseDesCrises a partagé quelques pistes à suivre pour faire face à cette crise avec EnjeuxLogistiques.

La situation provoquée par le Covid-19 est une première en matière de risque pour les entreprises, pour Vincent Balouet, fondateur de Maitrisedesrisques.com. La situation varie chaque jour, voire plusieurs fois par jour, l’incertitude règne, l’ensemble de l’écosystème économique est touché dans le monde entier, etc. Il est pourtant possible d’identifier l’impact sur les DRH, DAF, DSI, directions de la supplychain. Et surtout de prendre des mesures concrètes. Au programme : communication, transparence et souplesse.

Des informations qui arrivent comme des chocs

« La crise du Covid-19 est une première, pour plusieurs raisons, explique Vincent Balouet. La situation est très évolutive et tout ce que l’on dit peut être compromis quelques heures plus tard. » Le consultant précise d’ailleurs que les informations qu’il partage sont valides à la date de notre conversation, le 11 mars matin. À juste titre, puisque depuis le président des États-Unis a fermé ses frontières aux Européens et l’OMS a requalifié l’épidémie en pandémie… Des informations qui, comme la fermeture de l’Italie, sont peu prévisibles et difficiles à anticiper. Par ailleurs, les variables à prendre en compte sont extrêmement nombreuses : localisation de l’entreprise, taille, secteur, typologie de clients et de partenaires, mais aussi présence de malades dans l’entreprise, employés avec des enfants, etc.

Si les RH sont directement concernés par le covid-19 qui menace la santé des équipes et de leur entourage, la chaîne logistique est l’activité la plus touchée par les effets de la maladie. Chute des commandes venues de pays à risques, incapacité pour les marchandises d’emprunter certains trajets depuis la Chine, ports engorgés, composants indisponibles, etc. « Des cellules de crise doivent être mises en place en amont, au milieu et en aval de la chaîne, » insiste en tout premier lieu Vincent Balouet. Comme pour les collaborateurs en interne, la transparence, la communication et la souplesse doivent être la règle avec toute la supplychain : partenaires, fournisseurs et client.

En amont de la chaîne, l’entreprise doit entretenir des relations constructives et de confiance avec ses fournisseurs métier (composants, emballages, etc.) et ses fournisseurs support (sécurité, papeterie, papier toilette, etc.). « Il faut appeler les parties prenantes de la supply chain au moins une fois par jour, pour savoir ce qu’ils peuvent produire, s’ils peuvent livrer, s’ils souhaitent changer les process… Il faut verser de l’huile dans les rouages, résume Vincent Balouet. Avec de la transparence et de la communication. » L’entreprise, en interne, doit aussi vérifier que rien ne bloque ses processus et si ce n’est pas le cas, mettre en œuvre un traditionnel PCA (plan de reprise d’activité) en cas de frein ou d’arrêt de l’activité. Enfin, en aval de la supply chain, elle doit contacter ses clients pour vérifier qu’ils vont confirmer leurs commandes. Les recommandations sont les mêmes.

 

La direction logistique et supplychain est une des plus touchées par le coronavirus. Chute des commandes, blocage de certains trajets, ports engorgés. (Cr J.Silver Pixabay)

En ce qui concerne la logistique, la route ne pose pour l’instant que peu de problème. Il n’y ni checkpoints, ni interdiction, ni droits de retrait… La fermeture de certaines frontières laisse penser que la situation pourrait rapidement changer, mais les grèves de décembre 2019 ont appris aux entreprises à s’adapter. En revanche, les approvisionnements par transports maritimes sont beaucoup plus incertains. Les trajets entre la Chine et la France ne sont plus assurés normalement depuis des semaines. Le trafic est perturbé et les ports saturés. Certains containers venus d’Asie, par exemple, censés arriver dans un port comme le Havre peuvent se retrouver sur un quai de Rotterdam, voire se perdre… Si une partie de la supplychain de l’entreprise dépend du trafic maritime, il est plus qu’urgent de le surveiller de près.

Emmanuelle Delsol


Et après ? Se préparer pour plusieurs mois

 

 

Comment anticiper la suite ? Pour commencer, pour Vincent Balouet, il faut plutôt tabler sur un rétablissement de la situation en septembre qu’en juin. « On pensait que cela durerait 2,5 à 3 mois maximum, durée estimée d’une pandémie avec affection pulmonaire, selon les spécialistes de la santé. Mais si l’on écoute les économistes, la bourse, les marchés, et si l’on regarde la chaîne logistique, ce n’est pas le cas. » Selon le consultant, nous n’avons pas affaire à un cycle en V avec un rebond immédiat après 3 mois, mais à un cycle en U, avec une remontée progressive. Et lorsque nous serons au plus fort de la crise, la chaîne logistique, en particulier, ne pourra pas repartir d’un seul coup.

Un redémarrage plutôt en septembre, et contrasté suivant les secteurs

« Si la Chine arrive à redémarrer, l’Europe sera encore à l’arrêt, pour commencer. Par ailleurs, la capacité des porte-conteneurs étant finie, et non extensible, les ports déjà surchargés seront longs à se désengorger. Le redémarrage prendra du temps et sera contrasté suivant les secteurs. Le digital ne devrait pas avoir de problème. Mais l’automobile, la high-tech, le luxe seront bloqués par l’indisponibilité de composants, de matières premières…

Un plan d’adaptation de l’activité

Selon Vincent Balouet, « même les plus grandes entreprises doivent s’adapter dans cette crise du Covid-19. Leurs PCA sont des plans structurés prévus, comme leur nom l’indique, pour que l’activité continue. » Ces plans les préparent à un incident qui ne concerne en général que l’entreprise, et non toutes les parties prenantes, voire tout l’écosystème. Ils sont rarement conçus pour anticiper les effets systémiques d’une crise. « Dans le cas du Coronavirus, le monde extérieur ne fournit plus ni ne consomme plus de la même façon, rappelle le consultant. Il faut établir un plan d’adaptation, et non de continuité, de l’activité. Et cela, même les grandes entreprises ne l’ont pas forcément. »

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