Un plan hydrogène européen pour décloisonner l’innovation

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La Commission européenne a détaillé son plan pour placer l’hydrogène propre au cœur de sa stratégie verte et atteindre jusqu’à 14% du mix énergétique européen d’ici à 2050. Bruxelles veut s’appuyer sur un système innovant, et surtout décloisonné entre les secteurs du transport, de l’industrie, du gaz et du bâtiment.  (Image Commission européenne)

La Commission européenne a détaillé son plan pour le développement de l’hydrogène propre dans l’Union. Objectif : porter de 12 à 14% la part de cette énergie dans le mix énergétique européen d’ici à 2050 contre à peine plus de 2% aujourd’hui selon une publication de la Commission en 2018. Pour ce faire, la nouvelle Alliance européenne pour un hydrogène propre réunit toute la chaîne de valeur : des industriels de la production, de la capture et du stockage, et des entreprises utilisatrices, mais aussi des représentants des gouvernements et de la société civile.

Un hydrogène produit en limitant les émissions de CO2

L’hydrogène est une énergie propre, qui n’émet pas de GES (gaz à effets de serre) à l’utilisation, mais n’affiche pas toujours une empreinte carbone neutre suivant son mode de production. La stratégie européenne se concentre sur l’hydrogène dit vert ou bleu. Le vert est fabriqué par électrolyse réalisée avec une énergie renouvelable alors que le bleu est produit avec de l’énergie carbonée, mais avec des dispositifs de capture et de stockage du CO2. Pour l’hydrogène produit avec de l’énergie carbonée et dont les émissions ne sont pas prises en charge, on parle d’hydrogène gris. Issu du gaz naturel, il représente aujourd’hui la quasi-totalité de la production mondiale.

430 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2030

La transition se déroulera en 3 phases. D’ici à 2024, l’Europe prévoit l’installation sur son territoire d’électrolyseurs d’hydrogène renouvelable d’une puissance totale de 6 gigawatts pour produire près d’un million de tonnes de cette énergie. Puis, de 2025 à 2030, elle vise 40 gigawatts et 10 millions de tonnes. Enfin, de 2030 à 2050, la Commission table sur une maturité des technologies d’hydrogène propre et un déploiement à grande échelle dans tous les secteurs les plus difficiles à décarboner.

Le budget nécessaire d’ici à 2030 pour un tel développement devrait s’élever à 430 milliards d’euros. Il faut développer les technologies et les moyens de production efficients d’hydrogène, mais aussi de capture et de stockage des GES associés. Dans le seul secteur de la logistique, il faut développer les véhicules, les stations de recharge, réduire les coûts de production avec les énergies renouvelables, adapter les flottes côté utilisateurs, identifier les usages, etc.

Un des constructeurs de camion à hydrogène, Hyundai, a livré ses premiers véhicules à la Suisse en juin 2020 et compte en déployer dans toute l’Europe (Photo Hyundai)

Un enjeu fort pour les transports…

Pour les transports, l’enjeu est de taille. Le ferroviaire, l’aérien, le maritime et le routier sont tous directement concernés. Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. À l’occasion de la SITL digitale qui s’est déroulée en virtuel du 23 au 26 juin, certains acteurs des transports routiers ont ainsi partagé leur inquiétude quant au retard de la France sur le sujet des camions alimentés à l’hydrogène. Luc Nadal, PDG de Gefco, a regretté que les industriels n’investissent pas davantage dans des véhicules de transport routier à hydrogène ou électriques, ou encore que la France ne se dote pas de terminaux pour la recharge. Pour le patron du transporteur, le ferroviaire et la massification (regroupement des biens pour une expédition par lots) ne suffiront pas à verdir le secteur, car pour certaines marchandises ou encore pour le e-commerce aux exigences fortes, la souplesse du transport routier reste indispensable. Pour lui, le développement de l’écosystème autour des camions propres, en particulier à hydrogène, est ainsi incontournable.

… mais un sujet à traiter transversalement à toutes les filières

Pour la Commission, la consommation énergétique est pour l’instant un sujet traité en silos dans les secteurs concernés : transports, industrie, gaz et bâtiment avec des chaînes de valeurs, des réglementations, des infrastructures, des plannings et des opérations différents et séparés. Pour atteindre les objectifs de 2050 à des coûts raisonnables, elle souhaite favoriser des démarches innovantes décloisonnées. Des liens devront être tissés entre les secteurs pour partager les progrès technologiques au sein d’un système intégré.

Emmanuelle Delsol

  • Le 3 juillet dernier, 11 géants se sont alliés pour développer ensemble des projets visant à « accélérer la transition énergétique du transport et de la logistique » : Carrefour, CMA CGM, Cluster Maritime Français, Crédit Agricole Corporate and Investment Bank, Engie, Faurecia, Michelin, Schneider Electric, Total et Wärtsilä, ainsi que AWS, la division cloud d’Amazon. L’un des 9 projets de cette toute jeune coalition vise à « développer une offre suffisante et rentable d’hydrogène vert pour la le transport et la logistique ». C’est Carrefour qui pilotera l’atelier correspondant. Le groupe de grande distribution a déjà annoncé vouloir réduire les émissions de CO2 de ses activités de transports de 20% d’ici à 2030 et sortir du diesel à la même échéance. Il dispose déjà de 400 camions alimentés au biométhane et devrait en compter 1200 en 2022.
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